LAMARTINE ET SA MUSE JULIE CHARLES L' ELVIRE DU LAC


 

 
 
 
 
 
Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine est un poète, romancier, dramaturge et prosateur en même temps qu'un homme politique français. Il est l'orateur d'exception qui proclame et dirige la Deuxième République et l'une des plus grandes figures du romantisme en France.


En , en cure à Aix-les-Bains, la rencontre avec une jeune femme mariée,Julie Charles marque un tournant décisif dans la vie du poète mais leur histoire d'amour passionnée vire à la tragédie lorsque Julie, restée à Paris, décède en . Alphonse de Lamartine écrit alors les poèmes des Méditations dont le recueil est publié en 1820 et obtient un succès fulgurant. Il épouse la même année Mary-Ann Elisa Birch , une jeune Anglaise, et occupe des fonctions de secrétaire d'Ambassade en Italie avant de démissionner en 1831.

C'est donc le 10 octobre 1816, sur le lac, près de Châtillon qu'a lieu la vraie rencontre entre Lamartine et Julie Charles, son Héloïse :

"J'ai sauvé, avant-hier, une jeune femme qui se noyait ; elle emplit aujourd'hui mes jours"   écrit Alphonse de Lamartine qui se vante un peu et même beaucoup. En réalité, tous deux canotaient sur le lac à quelques coups de rame. Julie, de santé très fragile, s'est évanouie au fond de la barque. Un coup de brise, quelques paquets d'eau. Notre dandy, qui la suivait probablement, a prêté main forte à son batelier pour la ramener sur la rive Ouest.  

Julie Charles née Julie Bouchaud des Hérettes en 1784 dans une famille de planteurs créoles passa les premières années de sa vie à Saint-Domingue avant d’être amenée, en pleine Terreur, par son père à Nantes, les troubles qui agitaient la « perle des Antilles », depuis le début de la Révolution, ayant dévasté les domaines de sa famille. Ruinée, elle écrit aux personnalités influentes et reçoit des aides du troisième Consul Charles-François Lebrun .

Le , elle épouse le célèbre physicien, Jacques Charles, âgé de plus de 35 ans qu’elle, en Touraine, où il possédait une maison de campagne.

Julie Françoise Charles (Bouchaud des Hérette) (1784 - 1817) - Genealogy  

Julie Charles (1784 - 1817)


Lettre de Julie Charles à Alphonse de Lamartine à onze heures et demie, mercredi [8 janvier 1817]
ci-dessous extraits :


"Est-ce vous, Alphonse, est-ce bien vous que je viens de serrer dans mes bras et qui m’êtes échappé comme le bonheur échappe ? Je me demande si ce n’est pas une apparition céleste que Dieu m’a envoyée, s’il me la rendra, si je reverrai encore mon enfant chéri, et l’ange que j’adore ! Ah ! je dois l’espérer. Le même ciel nous couvre aujourd’hui et depuis ce soir je vois bien qu’il nous protège. Mais les cruels qui nous ont séparés, quel mal ils nous ont fait, Alphonse ! Qu’avons nous de commun avec eux pour qu’ils viennent se mettre entre nous et nous dire : vous ne nous regarderez plus ? Ce morceau de glace mis sur nos cœurs ne vous a-t-il pas déchiré, ô mon ange ? J’en sens encore le froid. J’ai cru que j’allais leur dire : Eh ! laissez-moi. Vous voyez bien que je ne suis pas à vous, que j’ai beaucoup souffert, et qu’il est temps pour que je vive qu’il me ranime sur son sein ! (...).

"Demain j’ai le malheur de n’être pas libre avant midi et demi. Je vais au Palais avec M. Charles remplir je ne sais quelle formalité, je sors à onze heures et demie. Je calcule que cela me prendra une heure. Attendez-moi chez vous, mon ange. J’y serai dès qu’on m’aura laissée et je vous ferai demander pour vous emmener afin que nous passions le reste de la matinée ensemble. Prions Dieu que jusque-là il nous donne de la vie et de la force. Ecrivez-moi par mon commissionnaire que  vous m’aimez toujours, ces mots chéris n’ont pas frappé mon cœur dans le petit nombre de mots que j’ai pu recueillir de votre bouche ! Redites-les, Alphonse !(...).




Un peu timide, un peu maladive, très mélancolique surtout et souffrant de tuberculose, elle séjourne à Aix-les-Bains, en octobre 1816 où elle fait la rencontre de Lamartine. Le poète séjourne également sur les rives du lac du Bourget, « par désœuvrement et pour vaincre un certain spleen ». Se plaisant à flâner ensemble sur les bords du lac, ils entretiendront une idylle jusqu'à la mort de celle-ci.

 Revenu sur les bords du lac l’année suivante, Lamartine n’y retrouva pas la jeune femme, déjà trop malade pour voyager. Le 29 août 1817, il commence à écrire le poème Le Lac en son honneur.






Ayant succombé à la tuberculose, le 18 décembre 1817, elle fut inhumée dans l'ancien cimetière de Vaugirard. Lamartine a également raconté, dans Souvenirs et portraits, une partie de ce qu’il avait éprouvé au cimetière en visitant sa tombe.

Le lac

Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

./...

source : sutilmentesensualcenterblog.net
./...

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

./...

source : sutilmentesensualcenterblog.net 

./...

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.




./...

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Alphonse de Lamartine










 

A Elvire

Alphonse de Lamartine
Oui, l’Anio murmure encore
Le doux nom de Cynthie aux rochers de Tibur,
Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure,
Et Ferrare au siècle futur
Murmurera toujours celui d’Eléonore !
Heureuse la beauté que le poète adore !

Heureux le nom qu’il a chanté !
Toi, qu’en secret son culte honore,
Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité
Il lègue à ce qu’il aime une éternelle vie,
Et l’amante et l’amant sur l’aile du génie
Montent, d’un vol égal, à l’immortalité !

Ah! si mon frêle esquif, battu par la tempête,
Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port ?
Si des soleils plus beaux se levaient sur ma tête ?
Si les pleurs d’une amante, attendrissant le sort,
Ecartaient de mon front les ombres de la mort ?
Peut-être?…, oui, pardonne, ô maître de la lyre !

 

Peut-être j’oserais, et que n’ose un amant ?
Egaler mon audace à l’amour qui m’inspire,
Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire,
De notre amour aussi laisser un monument !
Ainsi le voyageur qui dans son court passage
Se repose un moment à l’abri du vallon,
Sur l’arbre hospitalier dont il goûta l’ombrage
Avant que de partir, aime à graver son nom ! 

./... 


 ./...

Vois-tu comme tout change ou meurt dans la nature ?
La terre perd ses fruits, les forêts leur parure ;
Le fleuve perd son onde au vaste sein des mers ;
Par un souffle des vents la prairie est fanée,
Et le char de l’automne, au penchant de l’année,
Roule, déjà poussé par la main des hivers !


Comme un géant armé d’un glaive inévitable,
Atteignant au hasard tous les êtres divers,
Le temps avec la mort, d’un vol infatigable
Renouvelle en fuyant ce mobile univers !


Dans l’éternel oubli tombe ce qu’il moissonne :
Tel un rapide été voit tomber sa couronne
Dans la corbeille des glaneurs !
Tel un pampre jauni voit la féconde automne
Livrer ses fruits dorés au char des vendangeurs !
Vous tomberez ainsi, courtes fleurs de la vie !


Jeunesse, amour, plaisir,. fugitive beauté !
Beauté, présent d’un jour que le ciel nous envie,

Ainsi vous tomberez, si la main du génie
Ne vous rend l’immortalité !


./... 



./...

Vois d’un œil de pitié la vulgaire jeunesse,
Brillante de beauté, s’enivrant de plaisir !
Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse,
Que restera-t-il d’elle? à peine un souvenir :
Le tombeau qui l’attend l’engloutit tout entière,
Un silence éternel succède à ses amours ;
Mais les siècles auront passé sur ta poussière,
Elvire, et tu vivras toujours !

 Alphonse de Lamartine - Méditations poétiques

 








Hymne au Soleil

Alphonse de Lamartine
Vous avez pris pitié de sa longue douleur !
Vous me rendez le jour, Dieu que l’amour implore !
Déjà mon front couvert d’une molle pâleur,
Des teintes de la vie à ses yeux se colore ;
Déjà dans tout mon être une douce chaleur
Circule avec mon sang, remonte dans mon cœur
Je renais pour aimer encore 
!

./... 



./...

Mais la nature aussi se réveille en ce jour !
Au doux soleil de mai nous la voyons renaître ;
Les oiseaux de Vénus autour de ma fenêtre
Du plus chéri des mois proclament le retour !
Guidez mes premiers pas dans nos vertes campagnes !
Conduis-moi, chère Elvire, et soutiens ton amant :
Je veux voir le soleil s’élever lentement,
Précipiter son char du haut de nos montagnes,
Jusqu’à l’heure où dans l’onde il ira s’engloutir,
Et cédera les airs au nocturne zéphyr !
Viens ! Que crains-tu pour moi ? Le ciel est sans nuage !
Ce plus beau de nos jours passera sans orage ;
Et c’est l’heure où déjà sur les gazons en fleurs
Dorment près des troupeaux les paisibles pasteurs !

./...



./...

Dieu ! que les airs sont doux ! Que la lumière est pure !
Tu règnes en vainqueur sur toute la nature,
Ô soleil ! et des cieux, où ton char est porté,
Tu lui verses la vie et la fécondité !
Le jour où, séparant la nuit de la lumière,
L’éternel te lança dans ta vaste carrière,
L’univers tout entier te reconnut pour roi !
Et l’homme, en t’adorant, s’inclina devant toi !
De ce jour, poursuivant ta carrière enflammée,
Tu décris sans repos ta route accoutumée ;
L’éclat de tes rayons ne s’est point affaibli,
Et sous la main des temps ton front n’a point pâli !

 ./...








 ./...

Quand la voix du matin vient réveiller l’aurore,
L’Indien, prosterné, te bénit et t’adore !
Et moi, quand le midi de ses feux bienfaisants
Ranime par degrés mes membres languissants,
Il me semble qu’un Dieu, dans tes rayons de flamme,
En échauffant mon sein, pénètre dans mon âme !
Et je sens de ses fers mon esprit détaché,
Comme si du Très-Haut le bras m’avait touché !
Mais ton sublime auteur défend-il de le croire ?
N’es-tu point, ô soleil ! un rayon de sa gloire ?
Quand tu vas mesurant l’immensité des cieux,
Ô soleil ! n’es-tu point un regard de ses yeux ?


./... 


./...

Ah ! si j’ai quelquefois, aux jours de l’infortune,
Blasphémé du soleil la lumière importune ;
Si j’ai maudit les dons que j’ai reçus de toi,
Dieu, qui lis dans les cœurs, ô Dieu ! pardonne-moi !
Je n’avais pas goûté la volupté suprême
De revoir la nature auprès de ce que j’aime,
De sentir dans mon cœur, aux rayons d’un beau jour,
Redescendre à la fois et la vie et l’amour !
Insensé ! j’ignorais tout le prix de la vie !
Mais ce jour me l’apprend, et je te glorifie !


Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques







Le papillon

Alphonse de Lamartine

Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté !


Alphonse de Lamartine, Nouvelles méditations poétiques



À Elvire

Poète : Alphonse de Lamartine (1790-1869)


Lorsque seul avec toi, pensive et recueillie,
Tes deux mains dans la mienne, assis à tes côtés,
J'abandonne mon âme aux molles voluptés
Et je laisse couler les heures que j'oublie ;
Lorsqu'au fond des forêts je t'entraîne avec moi,
Lorsque tes doux soupirs charment seuls mon oreille,
Ou que, te répétant les serments de la veille,
Je te jure à mon tour de n'adorer que toi ;
Lorsqu'enfin, plus heureux, ton front charmant repose
Sur mon genou tremblant qui lui sert de soutien,
Et que mes doux regards sont suspendus au tien
Comme l'abeille avide aux feuilles de la rose ;
Souvent alors, souvent, dans le fond de mon coeur
Pénètre comme un trait une vague terreur ;
Tu me vois tressaillir; je pâlis, je frissonne,
Et troublé tout à coup dans le sein du bonheur,
Je sens couler des pleurs dont mon âme s'étonne.
Tu me presses soudain dans tes bras caressants,
Tu m'interroges, tu t'alarmes,
Et je vois de tes yeux s'échapper quelques larmes
Qui viennent se mêler aux pleurs que je répands.
" De quel ennui secret ton âme est-elle atteinte ?
Me dis-tu : cher amour, épanche ta douleur ;
J'adoucirai ta peine en écoutant ta plainte,
Et mon coeur versera le baume dans ton coeur. "
Ne m'interroge plus, à moitié de moi-même !
Enlacé dans tes bras, quand tu me dis : Je t'aime ;
Quand mes yeux enivrés se soulèvent vers toi,
Nul mortel sous les cieux n'est plus heureux que moi ?
Mais jusque dans le sein des heures fortunées
Je ne sais quelle voix que j'entends retentir
Me poursuit, et vient m'avertir
Que le bonheur s'enfuit sur l'aile des années,
Et que de nos amours le flambeau doit mourir !
D'un vol épouvanté, dans le sombre avenir
Mon âme avec effroi se plonge,
Et je me dis : Ce n'est qu'un songe
Que le bonheur qui doit finir.

Alphonse de Lamartine






Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

ROMAIN GARY ET SON AMOUR IMPOSSIBLE, ILONA GESMAY.

PAUL ET NUSCH ELUARD, UN AMOUR TRES LIBRE

CHARLES BAUDELAIRE ET SES MUSES, JEANNE, APOLLINIE et MARIE