CASANOVA LE GRAND SEDUCTEUR

 

 


 

 

Giacomo Girolamo Casanova  est un aventurier vénitien tour à tour violoniste, écrivain, espion, diplomate, bibliothécaire mais il revendique toujours sa qualité de « Vénitien ».

Bien qu'il soit souvent comparé à Don Juan comme séducteur, sa vie ne procédait pas de la même philosophie : ce n'était pas un collectionneur compulsif. Parfois présenté comme un pantin ou un fornicateur mécanique, qui se détourne de sa conquête dès lors qu'elle s’est donnée à lui, il n'en était rien, il s'attachait, secourait éventuellement ses conquêtes. Personnage historique et non de légende, jouisseur et exubérant, il vécut en homme libre de pensées et de comportements, des premiers succès de sa jeunesse à sa longue déchéance. Il est le frère du peintre Francisco Casanova.

Cette réputation de séducteur provient de son œuvre autobiographique : HISTOIRE DE MA VIE rédigée en français et considérée comme l'une des sources les plus authentiques concernant les coutumes et l'étiquette en usage en Europe au XVIIIe siècle. Il y mentionne cent quarante-deux femmes avec lesquelles il aurait eu des relations sexuelles, dont des filles à peine pubères et sa propre fille.


"Vous rirez quand vous saurez que souvent je ne me suis pas fait un scrupule de tromper des étourdis, des fripons, des sots quand j’en ai eu besoin. Pour ce qui regarde les femmes, ce sont des tromperies réciproques qu’on ne met pas en ligne de compte, car quand l’amour s’en mêle, on est ordinairement la dupe de part et d’autre. Mais c’est bien différent pour ce qui regarde les sots. Je me félicite toujours quand je me souviens de les avoir fait tomber dans mes filets, car ils sont insolents, et présomptueux jusqu’à défier l’esprit. On le venge quand on trompe un sot, et la victoire en vaut la peine, car il est cuirassé, et on ne sait pas par où le prendre. Tromper un sot enfin est un exploit digne d’un homme d’esprit. Ce qui a mis dans mon sang, depuis que j’existe, une haine invincible contre cette engeance, c’est que je me trouve sot toutes les fois que je me vois en société avec eux. Il faut cependant les distinguer de ces hommes qu’on appelle bêtes, car n’étant bêtes que par défaut d’éducation, je les aime assez. J’en ai trouvé de fort honnêtes, et qui dans le caractère de leur bêtise ont une sorte d’esprit. Ils ressemblent à des yeux qui sans la cataracte seraient fort beaux."  

Histoire de ma vie, Giacomo Casanova volume 1 préface 3





"Cultiver les plaisir de mes sens fut dans toute ma vie ma principale affaire ; je n’en ai jamais eu de plus importante. Me sentant né pour le sexe différent du mien, je l’ai toujours aimé, et je m’en suis fait aimer tant que j’ai pu. J’ai aussi aimé la bonne table avec transport, et passionnément tous les objets faits pour exciter la curiosité." 


Histoire de ma vie, Giacomo Casanova, volume 1 préface 6




"J’ai écrit en français, et non pas en italien parce que la langue française est plus répandue que la mienne. Les puristes qui trouvant dans mon style des tournures de mon pays me critiqueront auront raison, si elles les empêchent de me trouver clair. Les Grecs goûtèrent Théophrase malgré ses phrases d’Érèse et les Romains leur Tite-Live, malgré sa patavinité. Si j’intéresse, je peux, ce me semble, espirer à la même indulgence. Toute l’Italie goûte Algaroti quoique son style soit pétri de gallicismes. C’est pourtant digne d’observation qu’entre toutes les langues vivantes, qui figurent dans la république des lettres, la française soit la seule que ses présidents condamnèrent à ne pas s’enrichir aux dépens des autres, tandis que les autres, toutes plus riches qu’elle, la pillèrent, tant dans ses paroles, que dans ses manières, d’abord qu’elles connurent que par ces petits vols elles s’embelliraient. Ceux qui la soumirent à cette loi convirent cependant de sa pauvreté. Ils dirent qu’étant parvenue à posséder toutes les beautés dont elle est susceptible, le moindre trait étranger l’enlaidirait. Cette sentence peut avoir été prononcée par la prévention."

Histoire de ma vie, Giacomo Casanova, volume 1 préface 10





"Malgré cependant une si belle école qui a précédé mon adolescence, j’ai poursuivi à être la dupe des femmes jusqu’à l’âge de soixante ans. Il y a douze ans que sans l’assistance de mon Génie tutélaire j’aurais épousé à Vienne une jeune étourdie qui m’avait rendu amoureux. Actuellement je me crois à l’abri de toutes les folies de cette espèce ; mais hélas ! j’en suis fâché."

Histoire de ma vie, Giacomo Casanova, volume 1 chapitre III page 40

"J’ai passé l’été en allant filer le parfait amour avec Angéla à l’école, où elle allait apprendre à broder. Son avarice à m’accorder des faveurs m’irritait ; et mon amour m’était déjà devenu un tourment. Avec un grand instinct j’avais besoin d’une fille dans le goût de Bettine qui aimât à assouvir le feu de l’amour sans l’éteindre. Mais je me suis bien vite défait de ce goût frivole. Ayant moi-même une espèce de virginité j’avais la plus grande vénération pour celle d’une fille. Je la regardais comme le Palladium de Cécrops. Je ne voulais pas des femmes mariées. Quelle sottise ! J’étais assez dupe pour être jaloux de leurs maris. Angéla était négative au suprême degré sans cependant être coquette. […] Elle me disait qu’elle était prête à devenir ma femme, et elle croyait que je ne pouvais pas désirer davantage. Elle m’assommait quand à titre d’extrême faveur elle me disait que l’abstinence la faisait souffrir autant que moi".





"Un beau séminariste âgé de quinze ans, qui aujourd’hui, à moins qu’il ne soit mort, est évêque, fut celui dont la figure, et le talent me frappèrent. Il m’inspira l’amitié la plus forte, et dans les heures de recréation, au lieu de jouer aux quilles, ce n’etoit qu’avec lui que je me promenois. Nous parlions poésie. Les plus belles odes d’Horace fesoient nos delices. Nous preferions l’Arioste au Tasse, et Pétrarque etoit l’objet de notre admiration, comme Tassoni, et Muratori qui l’avoient critiqué l’etoient de notre mepris. Nous devinmes en quatre jours si tendres amis que nous etions jaloux l’un de l’autre. Nous boudions lorsque l’un de nous quitoit l’autre pour se promener avec un troisième.
Un moine laïque surveilloit à notre dortoire. Son inspection etoit d’en conserver la police. Toute la chambrée après souper précédée par ce moine qu’on appelle prefet alloit au dortoire ; chacun s’approchoit de son lit, et après avoir fait sa priere à voix basse, se deshabilloit, et se couchoit tranquillement. Lorsque le prefet nous voyoit tous couchés, il se couchoit aussi. Une grande lanterne eclairoit ce lieu qui etoit un carré long de quatre vingts pas, large de dix. Les lits etoient placés à égales distances. À la hauteur de chaque lit il y avoit un escabeau en prie Dieu, un siège, et la malle du séminariste. À un bout du dortoire il y avoit le lavoir d’un coté, et de l’autre le cabinet qu’on appelle la garde-robe. À l’autre bout près de la porte il y avoit le lit du préfet. Le lit de mon ami etoit de l’autre coté de la sale vis à vis du mien. La grande lanterne se trouvoit entre nous deux." 

Histoire de ma vie, Giacomo Casanova, volume 1 chapitre VI page 90.



 
"Nous étions quatre ; il y avoit trois heures que nous parlions, et j’etois le héros de la piece. L’amour est grand poete : sa matiere est inepuisable ; mais si la fin à laquelle il vise n’arrive jamais il morfond comme la pâte chez le boulanger. Ma chere Angela ecoutoit ; et n’etant pas grande amie de la parole, répondoit peu : elle n’avoit pas l’esprit brillant : elle se piquoit plutot de faire parade de bon sens. Pour affoiblir mes argumens, elle ne crachoit souvent qu’un proverbe, comme les romains lançoient la catapulte. Elle se retiroit, ou avec la plus desagréable douceur elle repoussoit mes pauvres mains toutes les fois que l’amour les appelloit à son secours. Malgré cela je poursuivois à parler, et gesticuler sans perdre courage. Je me trouvois au desespoir lorsque je m’appercevois que mes argumens trop subtils au lieu de la convaincre l’étourdissoient, et au lieu d’attendrir son cœur l’ebranloient. J’étois tout étonné de voir sur les physionomies de Nanette, et de Marton l’impression resultante des traits que je lançois en droite ligne à Angela. Cette courbe metaphysique me sembloit hors de nature : ç’auroit dû être un angle. Malheureusement j’étudiois alors la géométrie. Malgré la saison je suois à grosses gouttes. Nanette se leva pour porter dehors la chandelle, qui mourant à notre presence nous auroit infectés."

Histoire de ma vie, Giacomo Casanova, extrait Tome 1 page 69


Giacomo Casanova







 

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