GÉRARD DE NERVAL, L'ÉCRIVAIN D'INSPIRATION ROMANTIQUE

 

 


 

 

 

Le 22 mai 1908 naissait le maître des chimères, Gérard de Nerval de son vrai nom Gérard Labrunie. Il ne connut jamais sa mère, morte en Allemagne deux ans après sa naissance. Élevé par son oncle maternel, il passa son enfance à Mortefontaine, dans le Valois, dont les paysages servirent d'ailleurs de cadre - à la fois réaliste, folklorique et idéalisé - à la plupart de ses récits de fiction.

À Paris, où il fit ses études au collège Charlemagne, il se lia d'amitié avec Théophile Gautier. Ses premiers textes littéraires étaient des élégies inspirées par l'épopée napoléonienne (Napoléon et la France guerrière, élégies nationales, 1827)

Le , pour faire plaisir à son père, Gérard accepte d'être stagiaire dans une étude de notaire. Mais il pratique le métier mollement. Il a autre chose à faire. En bon soldat du romantisme, il est convoqué par Victor Hugo pour faire partie de la claque de soutien à Hernani, mission dont Gérard s'acquitte volontiers.
1830 est l'année des deux révolutions : la révolution romantique à laquelle Gérard participe, et la révolution politique, celle des Trois Glorieuses à laquelle il ne participe qu'en badaud. La politique ne l'intéresse pas. Les barricades lui ont cependant inspiré un poème-fleuve : Le peuple, son nom, sa gloire, sa force, sa voix, sa vertu, son repos publié en août 1830 dans le Mercure de France du XIXe siècle
En 1837, le poète participe à la création, à l’Opéra-Comique, de Piquillo. L’actrice et chanteuse lyrique Jenny Colon y tient le premier rôle ; le jeune homme s’éprend aussitôt de la comédienne, bien que cet amour ne trouve pas sa réciproque. Certains critiques nervaliens considèrent que le poète aurait voué un culte idolâtre à Jenny Colon, y compris après la mort de celle-ci (en 1842, à 33 ans). Jenny serait à la fois la figure de la Mère perdue et de la Femme idéale, dans un syncrétisme très caractéristique de la pensée de l’auteur des Filles du feu. Variation épistolaire sur le thème de l’amour courtois, idéal et inaccessible à la fois…

"Jamais je n'ai jamais été si convaincu de cette vérité, que mon amour pour vous est ma religion".  Gérard de Nerval à Jenny Colon.

Aurélia ou le Rêve et la Vie est un récit de Gérard de Nerval écrit en 1855 à la fin de sa vie pour se purger de ses émotions et tenter de décrire l'état d'esprit dans lequel il se trouve lors de ses crises de folie.













Lettre de Gérard de Nerval à Aurélia 











Artémis



La Treizième revient… C’est encor la première ;
Et c’est toujours la seule, ou c’est le seul moment;
Car es-tu reine, ô toi ! la première ou dernière ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?…

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement :
C’est la mort, ou la morte… O délice ! ô tourment !
La rose qu’elle tient, c’est la Rose trémière.

Sainte Napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule :
As-tu trouvé ta croix dans le désert des cieux ?

Roses blanches, tombez ! vous insultez nos dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle :
– La sainte de l’abîme est plus sainte à mes yeux !

Gérard de Nerval












Chanson gothique




Belle épousée,
J’aime tes pleurs !
C’est la rosée
Qui sied aux fleurs.


Les belles choses
N’ont qu’un printemps,
Semons de roses
Les pas du Temps !


Soit brune ou blonde
Faut-il choisir ?
Le Dieu du monde,
C’est le Plaisir.


Gérard de Nerval, Odelettes

 








 

 

Chœur d’amour




Ici l’on passe
Des jours enchantés !
L’ennui s’efface
Aux cœurs attristés
Comme la trace
Des flots agités.


Heure frivole
Et qu’il faut saisir,
Passion folle
Qui n’est qu’un désir,
Et qui s’envole
Après le plaisir !


Gérard de Nerval, Odelettes

 








 

Dans les bois




Au printemps l’oiseau naît et chante :
N’avez-vous pas ouï sa voix ?…
Elle est pure, simple et touchante,
La voix de l’oiseau – dans les bois !


L’été, l’oiseau cherche l’oiselle ;
Il aime – et n’aime qu’une fois !
Qu’il est doux, paisible et fidèle,
Le nid de l’oiseau – dans les bois !


Puis quand vient l’automne brumeuse,
il se tait… avant les temps froids.
Hélas ! Qu'elle doit être heureuse
La mort de l’oiseau – dans les bois !


Gérard de Nerval

 








 

 

Le ballet des heures



Les heures sont des fleurs l’une après l’autre écloses
Dans l’éternel hymen de la nuit et du jour ;
Il faut donc les cueillir comme on cueille les roses
Et ne les donner qu’à l’amour.

Ainsi que de l’éclair, rien ne reste de l’heure,
Qu’au néant destructeur le temps vient de donner ;
Dans son rapide vol embrassez la meilleure,
Toujours celle qui va sonner.

Et retenez-la bien au gré de votre envie,
Comme le seul instant que votre âme rêva ;
Comme si le bonheur de la plus longue vie
Était dans l’heure qui s’en va.

Vous trouverez toujours, depuis l’heure première
Jusqu’à l’heure de nuit qui parle douze fois,
Les vignes, sur les monts, inondés de lumière,
Les myrtes à l’ombre des bois.

Aimez, buvez, le reste est plein de choses vaines ;
Le vin, ce sang nouveau, sur la lèvre versée,
Rajeunit l’autre sang qui vieillit dans vos veines
Et donne l’oubli du passé.

Que l’heure de l’amour d’une autre soit suivie,
Savourez le regard qui vient de la beauté ;
Être seul, c’est la mort ! Être deux, c’est la vie !
L’amour c’est l’immortalité !

Gérard de Nerval

 








 

 

Mélodie



Quand le plaisir brille en tes yeux
Pleins de douceur et d’espérance,
Quand le charme de l’existence
Embellit tes traits gracieux, —
Bien souvent alors je soupire
En songeant que l’amer chagrin,
Aujourd’hui loin de toi, peut t’atteindre demain,
Et de ta bouche aimable effacer le sourire ;
Car le Temps, tu le sais, entraîne sur ses pas
Les illusions dissipées,
Et les yeux refroidis, et les amis ingrats,
Et les espérances trompées !

Mais crois-moi, mon amour ! Tous ces charmes naissants
Que je contemple avec ivresse
S’ils s’évanouissaient sous mes bras caressants,
Tu conserverais ma tendresse !
Si tes attraits étaient flétris,
Si tu perdais ton doux sourire,
La grâce de tes traits chéris
Et tout ce qu’en toi l’on admire,
Va, mon cœur n’est pas incertain :
De sa sincérité tu pourrais tout attendre.
Et mon amour, vainqueur du Temps et du Destin,
S’enlacerait à toi, plus ardent et plus tendre !

Oui, si tous tes attraits te quittaient aujourd’hui,
J’en gémirais pour toi ; mais en ce cœur fidèle
Je trouverais peut-être une douceur nouvelle,
Et, lorsque loin de toi les amants auraient fui,
Chassant la jalousie en tourments si féconde,
Une plus vive ardeur me viendrait animer.
« Elle est donc à moi seul, dirais-je, puisqu’au monde
Il ne reste que moi qui puisse encor l’aimer ! »

Mais qu’osè-je prévoir ? Tandis que la jeunesse
T’entoure d’un éclat, hélas ! Bien passager,
Tu ne peux te fier à toute la tendresse
D’un cœur en qui le temps ne pourra rien changer.
Tu le connaîtras mieux : s’accroissant d’âge en âge,
L’amour constant ressemble à la fleur du soleil,
Qui rend à son déclin, le soir, le même hommage
Dont elle a, le matin, salué son réveil !

Gérard de Nerval, Poèmes divers

 

 

 

 








Notre-Dame de Paris




Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vus naître ;
Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !


Bien des hommes, de tous les pays de la terre
Viendront, pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
— Alors ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !


Gérard de Nerval, Odelettes (1834)

 








Une allée du Luxembourg




Elle a passé, la jeune fille
Vive et preste comme un oiseau
À la main une fleur qui brille,
À la bouche un refrain nouveau.


C’est peut-être la seule au monde
Dont le coeur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !


Mais non, – ma jeunesse est finie …
Adieu, doux rayon qui m’as lui, –
Parfum, jeune fille, harmonie…
Le bonheur passait, – il a fui !


Gérard de Nerval

 

 


 

 



Une femme est l’amour




Une femme est l’amour, la gloire et l’espérance ;
Aux enfants qu’elle guide, à l’homme consolé,
Elle élève le cœur et calme la souffrance,
Comme un esprit des cieux sur la terre exilé.


Courbé par le travail ou par la destinée,
L’homme à sa voix s’élève et son front s’éclaircit ;
Toujours impatient dans sa course bornée,
Un sourire le dompte et son cœur s’adoucit.


Dans ce siècle de fer la gloire est incertaine :
Bien longtemps à l’attendre il faut se résigner.
Mais qui n’aimerait pas, dans sa grâce sereine,
La beauté qui la donne ou qui la fait gagner ?


Gérard de Nerval

 

 

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