ALBERT CAMUS, SES NOMBREUSES CONQUÈTES ET ... MARIA CASARÈS, L'UNIQUE

Albert Camus, né le 7 novembre 1913 à Mondovi, près de Bône, en Algérie, et mort accidentellement le 4 janvier 1960 à Villeblevin, dans l'Yonne en France, est un écrivain, philosophe, romancier, dramaturge, essayiste et nouvelliste français.

Camus ne connaîtra pas son père, ouvrier caviste : Lucien Camus, mobilisé et blessé à la bataille de la Marne en septembre 1914, meurt à l'hôpital militaire de Saint-Brieuc à l'âge de 28 ans : de son père, il ne connaîtra qu'une photographie, et une anecdote significative : son dégoût devant le spectacle d'une exécution capitale. Albert Camus, élevé par sa mère mais surtout par une grand-mère autoritaire, et par un oncle boucher, lecteur de Gide, « apprend la misère » dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger où ils ont émigrés : « La misère m'empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l'histoire ; le soleil m'apprit que l'histoire n'est pas tout. » Sa mère, Catherine Sintès, d'origine espagnole, fait des ménages pour nourrir ses deux fils, Lucien et Albert. Camus éprouve pour pour elle une affection sans bornes, mais il n'y aura jamais de véritable communication entre l'enfant et cette mère exténuée par le travail, à demi-sourde et presque analphabète. À sa mère qui parlait peu et difficilement, « qui ne savait même pas lire », le lie « toute sa sensibilité » ; on peut penser qu'une partie de l'œuvre s'est édifiée pour tenter d'équilibrer cette absence et ce silence, ou de leur répondre. 

A l'école communale, au CM2, un instituteur, Louis Germain (Le discours de Suède (1957), lors de la remise du prix Nobel de littérature, sera dédié à l'instituteur grâce à qui il put poursuivre des études.), distingue l'enfant, conscient des facultés intellectuelles de l'enfant, il le fait travailler bénévolement après les heures de classe, et convainc sa famille de présenter le jeune écolier au concours des bourses qui allait lui permettre d'aller au lycée. Reçu, Camus entre au lycée Bugeaud d'Alger en 1924. Albert Camus y est demi-pensionnaire. « J'avais honte de ma pauvreté et de ma famille […] Auparavant, tout le monde était comme moi et la pauvreté me paraissait l'air même de ce monde. Au lycée, je connus la comparaison », se souviendra-t-il. Il passe son baccalauréat en 1930.


Camus est un adolescent heureux de vivre, sensuel, amoureux de la mer et des paysages algériens. Excellent nageur, c'est pourtant le football qui a sa préférence.

En 1933, il fait des études de philosophie à la faculté d'Alger et milite contre le fascisme.

Dans le journal Combat, ses prises de position sont audacieuses, aussi bien sur la question de l'indépendance de l'Algérie que sur ses rapports avec le Parti communiste français, qu'il quitte après un court passage de deux ans.
Il ne se dérobe devant aucun combat, protestant successivement contre les inégalités qui frappent les musulmans d'Afrique du Nord, puis contre la caricature du pied-noir exploiteur, ou prenant la défense des Espagnols exilés antifascistes, des victimes du stalinisme et des objecteurs de conscience.

Le 16 juin 1934, il se marie en juin avec Simone Hié. Elle deviendra, vite, dépendante aux paradis artificiels : morphine et héroïne. Très belle, elle n'échappe pas à l'autodestruction et Camus lui consacre, l'année suivante, Le livre de Mélusine. Un conte qui n'augure rien de bon. Camus se sépare deux ans plus tard de Simone qui le trompe avec un médecin. En 1937, il rencontre une autre femme fatale, Christiane Galindo. Belle évidemment, brune et bronzée, fille d'institutrice, elle se met, sans rechigner, à sa Remington pour taper les premiers manuscrits de son amant. Elle traversera toute la vie d'Albert Camus.

En 1934, il avait adhéré au parti communiste.

En 1936, Camus ayant achevé sa licence de philosophie prépare son diplôme d'études supérieures sur « les rapports du néoplatonisme et de la métaphysique chrétienne ».

Il ressent les premières atteintes d'une tuberculose en 1937 qui le contraindra à de fréquents repos en cure, lui ferment l'accès à l'agrégation (il est rejeté deux fois à l'examen médical) et du professorat auquel il se destinait. Il doit rompre avec le parti communiste qui le somme de réviser ses convictions, favorables aux revendications musulmanes. 



A. Camus


Camus quitte l'Algérie pour la France en 1940 et, bientôt, il rencontre celle qui va devenir son épouse et la mère des jumeaux, Catherine et Jean. C'est Francine Faure, excellente pianiste, inimitable dans Bach, et mathématicienne. Joli minois avec de hautes pommettes tatares, elle est ravissante. Elle frappe au cœur le jeune Camus qui l'épouse civilement, le 3 décembre 1940 à Lyon, en zone libre à Paris-Soir où il travaille comme secrétaire de rédaction. Il perd vite son emploi et Francine regagne l'Algérie. 

L'Algérie, mis à part un long séjour l'année suivante, Camus n'y reviendra plus que de loin en loin, mais les images lumineuses qu'il garde de sa terre natale continueront de vivre en lui, comme le montre L'Été (1954).

En 1941, Il entre dans la Résistance à l'intérieur du réseau Combat où il sera chargé de missions de renseignements. Il sera l'âme de ce journal clandestin dont il assume la direction jusqu'en 1947. Malraux, alors lecteur chez Gallimard, entre en correspondance avec Camus et « se révèle lecteur méticuleux, bienveillant, passionné de L'Étranger » et il en recommande la publication. Le livre paraît le , en même temps que l'essai Le Mythe de Sisyphe (1942), dans lequel Camus expose sa philosophie.

Puis il devient le rédacteur en chef du journal Combat en août 1944. Les articles très remarqués qu'il publie désormais seront rassemblés sous le titre d'Actuelles (1950 et 1953).

La Paix revenue, Camus dénonce la sauvagerie de la justice sommaire d'après-guerre (à l'encontre des ex-collaborateurs) et les massacres de Sétif ; Il dénonce les massacres de Madagascar : « nous faisons dans ces cas-là ce que nous avons reproché aux Allemands de faire ».

Il publie également en 1945 Lettres à un ami allemand qui sont un ensemble de chroniques tenues par l'écrivain et publiées dans le journal Combat. L'ensemble a été publié par les éditions Gallimard et dédicacé au poète résistant René Leynaud que Camus connut à Lyon pendant la Résistance. Ci-dessous, extrait

Et dans l'horreur que vous nous avez prodiguée pendant quatre ans, votre raison a autant de part que votre instinct. C'est pourquoi ma condamnation sera totale, vous êtes déjà mort à mes yeux. [...] Et malgré vous-mêmes, je vous garderai le nom d'homme. Pour être fidèle à notre foi, nous sommes forcés de respecter en vous ce que vous ne respectez pas chez les autres. Et jusqu’à la fin des temps, ce sera le bénéfice de ceux qui vous ressemblent. Mais jusqu’à la fin des temps, nous, qui ne vous ressemblons pas, aurons à témoigner pour que l’homme, par-dessus ses pires erreurs, reçoive sa justification et ses titres d’innocence. Voilà pourquoi à la fin de ce combat, du sein de cette ville qui a pris son visage d’enfer, par-dessus toutes les tortures infligées aux nôtres, malgré nos morts défigurés et nos villages d’orphelins, je puis vous dire qu’au moment même où nous allons vous détruire sans pitié, nous sommes cependant sans haine contre vous. Et si même demain, comme tant d’autres, il nous fallait mourir, nous serions encore sans haine..."

 
« Elles avaient un but, précise Camus dans sa préface, qui était d'éclairer un peu le combat aveugle où nous étions et, par là, de rendre plus efficace ce combat. » Camus utilise ici un procédé qui consiste à écrire une lettre imaginaire à un ami tout aussi imaginaire. La dernière lettre contient cette citation tirée d'Obermann, chère à Camus : « L'homme est périssable. Il se peut; mais périssons en résistant, et si le néant nous est réservé, ne faisons pas que ce soit une justice. »
À son ami allemand qui prône la grandeur de son pays, Camus réplique que la justice est supérieure à la grandeur et que, de toute façon, tous les moyens ne sont pas bons pour en assurer la prééminence. Le courage n'est valable que s'il est subordonné à l'intelligence. L'Allemagne veut dominer l'Europe alors que la France espère une aventure commune2. Tous deux ont cru que ce monde n'était pas dominé par « une raison supérieure », transcendante. Si l'Allemand a pu en inférer que tout était permis, Camus a refusé le désespoir et s'est tourné vers la justice. « Je continue de croire que ce monde n'a pas de sens supérieur, lui écrit-il. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens, et c'est l'homme, parce qu'il est le seul être à exiger d'en avoir. »

Publication de La peste le 10 juin 1947, roman qui rencontre immédiatement un grand succès auprès du public et qui reçoit le prix des Critiques.

En 1950 : publications de Actuelles I et de Le Minotaure ou la halte d'Oran puis, en
1951 : publication de L'homme révolté essai qui suscitera de violentes polémiques et entraînera, en 1952, la rupture de Camus avec la gauche communiste, avec Sartre et sa revue, Les temps modernes. Sartre reprochait à Camus son anticommunisme et sa soumission aux valeurs bourgeoises.


Toujours en 1952, il démissionne de l'Unesco, qui admet en son sein l'Espagne franquiste.

En 1954, publication de l'Été, recueil de huit essais écrits entre 1939 et 1953 (Le minotaure ou la halte d'Oran, Les amandiers, Prométhée aux Enfers, Petit guide pour des villes sans passé, L'exil d'Hélène, L'énigme, Retour à Tipasa, La mer au plus près). En 1956, le roman, La Chute est publié, Camus y décrit la confession d'un homme à un autre, rencontré dans un bar d'Amsterdam. Le roman devait primitivement être intégré au recueil L'Exil et le Royaume qui sera publié en 1957 et qui constitue la dernière œuvre « littéraire » publiée par Camus. 

Le 10 Décembre 1957, Camus obtient le prix Nobel de littérature « pour l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière, avec un sérieux pénétrant, les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes ».


Le 10 décembre 1957, Francine Faure est escortée par le prince Guillaume de Suède et de Norvège lors de la remise du prix Nobel de littérature.
 © Keystone/Hulton Archive/Getty Images

Le théâtre a toujours été la grande affaire de la vie de Camus et l'occasion bénie d'approcher les femmes. Il a plusieurs liaisons amoureuses, notamment avec Maria Casarès (1922-1996), « l'unique », rencontrée en 1944, interprète de ses pièces de théâtre Le Malentendu et Les Justes. Lorsque Francine rejoint Paris, elle devra subir cette liaison publique qui inaugurera une longue série. Elle sombre dans une profonde dépression qu'Albert se reproche. Manque d'esprit de sérieux, égoïsme, et tutti quanti. 









Lettre de Maria Casarès à Albert Camus












A. Camus et Maria Casarès



En 1946, Camus débarque aux Etats-Unis. Les jeunes étudiantes sont émoustillées et son guide se nomme Patricia Blake. Ravissante et accorte, elle fait oublier à l'écrivain adulé la vieillesse qui s'annonce. Camus a trente-trois ans ! 

En 1956, il repère une petite jeune femme, comédienne gracile et cultivée, Catherine Sellers, dans La mouette de Tchekhov. Il la fait jouer dans Requiem pour une nonne, pièce adaptée du roman de Faulkner. Dans ses Carnets, Camus note, vaincu : "Pour la première fois depuis longtemps, touché au coeur par une femme, sans nul désir, ni intention, ni jeu, l'aimant pour elle, non sans tristesse." Pour la première fois, il ne joue pas au roublard amoureux.  

L'écrivain a une liaison ensuite avec Mi (Mette Ivers née en 1933), une jeune Danoise, artiste peintre, rencontrée en 1957 à la terrasse du Flore alors qu'il se trouvait en compagnie d'Albert Cossery et de Pierre Bénichou. 

Dans un carnet préliminaire au Premier homme, le romancier tient ses comptes. L'année de sa mort, il a quatre femmes dans sa vie : Francine, Maria, Catherine Sellers et Mi, sa dernière maîtresse en titre. 

Camus fête le jour de l'an de 1960 à sa maison de Lourmarin avec sa famille et des amis, Janine et Michel Gallimard et leur fille Anne. Michel est le neveu de l'éditeur Gaston Gallimard. Le , son épouse Francine et ses deux enfants repartent pour Paris par le train. Camus, qui devait rentrer avec eux, décide finalement de rentrer avec le couple d'amis venus en voiture, une puissante et luxueuse Facel-Vega.



Après avoir fait une halte pour la nuit à Thoissey, ils repartent le au matin. Ils empruntent la Nationale 6 (trajet de Lyon à Sens) puis la Nationale 5 (trajet de Sens à Paris). Michel est le conducteur et Camus se trouve sur le siège passager de la voiture, tandis que Janine et Anne sont à l'arrière. Peu après Pont-sur-Yonne, au lieu-dit Le Petit-Villeblevin, dans l’Yonne, la voiture rapide quitte la route et percute un premier arbre, puis se disloque contre un second, parmi la rangée qui la borde. La vitesse étant libre à l'époque, les journaux évoquent sa vitesse excessive, 180 km/h, un malaise du conducteur, une crise d'épilepsie provoquée par le défilement des arbres sur la route, ou plus vraisemblablement l'éclatement d'un pneu à grande vitesse (ce qui sera prouvé après expertise). 

Albert Camus meurt sur le coup. Michel Gallimard, très gravement blessé, mourra six jours plus tard. Les deux femmes s'en sortent indemnes. L'écrivain travaillait alors à un autre roman à caractère autobiographique, le Premier Homme (posthume, 1994).

L'écrivain René Étiemble, ami de Camus, déclara : « J'ai longtemps enquêté et j'avais les preuves que cette Facel Vega était un cercueil. J'ai cherché en vain un journal qui veuille publier mon article… »
 

Camus est enterré à Lourmarin dans cette région que lui avait fait découvrir son ami, le poète René Char. 





"Il faut avoir un amour, un grand amour dans sa vie parce que ça fait un alibi pour les désespoirs sans raison dont nous sommes accablés".
Albert Camus.

"Je comprends que toute mon horreur de mourir tient dans ma jalousie de vivre. Je suis jaloux de ceux qui vivront et pour qui fleurs et désirs de femme auront tout leurs sens de chair et de sang. Je suis envieux parce que j'aime trop la vie pour ne pas être égoïste."

Albert Camus

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