LA FESSÉE DE JEAN-JACQUES ROUSSEAU

Jean-Jacques Rousseau, né le 28 juin 1712 à Genève et mort le 2 juillet 1778 à Ermenonville, est un écrivain, philosophe et musicien genevois francophone. Orphelin de mère très jeune, il est élevé par son oncle Gabriel puis sa vie est marquée par l'errance. ...

En 1725, son oncle le place chez un greffier puis chez un maître-graveur où il est soumis à une rude discipline Un jour, il décide de fuir par crainte d'être battu par son Maître.

Après quelques journées d'errance, il se réfugie par nécessité alimentaire auprès du curé de Confignon, Benoît de Pontverre. Celui-ci l'envoie chez une vaudoise de Vevey, la baronne Françoise-Louise de Warens , récemment convertie au catholicisme et qui s'occupe des candidats à la conversion. Rousseau s'éprend de celle qui sera plus tard sa tutrice et sa maîtresse. La baronne l'envoie àTurin à l'hospice des cathéchumènes  de Spirito Santo où il arrive le . Même s'il prétend dans ses Confessions avoir longuement résisté à sa conversion au catholicisme (il est baptisé le ), il semble s'en accommoder assez vite. Il réside quelques mois à Turin en semi-oisif, vivotant grâce à quelques emplois de laquais-secrétaire et recevant conseils et subsides de la part d'aristocrates et d'abbés auxquels il inspire quelque compassion.




Madame Françoise-Louise de Warens


Désespérant de pouvoir s'élever de sa condition, Rousseau décourage ses protecteurs et reprend, le cœur léger, le chemin de Chambéry pour retrouver la baronne de Warens en juin 1729. Adolescent timide et sensible, il est à la recherche d'une affection féminine qu'il trouve auprès de la baronne. Il est son « petit », il la nomme « Maman », et devient son factotum. Comme il s'intéresse à la musique, elle l'encourage à se placer auprès d'un maître de chapelle, M. Le Maître, en octobre 1729. 

En septembre 1731, il retourne auprès de Mme de Warens. Il rencontre chez elle Claude Anet, sorte de valet-secrétaire, mais qui est aussi amant de la maîtresse de maison. Mme de Warens est à l'origine d'une grande partie de son éducation sentimentale et amoureuse. Le ménage à trois fonctionne tant bien que mal jusqu'au décès de Claude Anet d'une pneumonie le 13 mars 1734. « Maman » et Jean-Jacques s'installent pendant l'été et l'automne aux Charmettes. Pendant ces quelques années, idylliques et insouciantes selon ses Confessions Rousseau s'adonne à la lecture en puisant dans l'importante bibliothèque de M. Joseph-François de Conzie avec laquelle il va se fabriquer « un magasin d'idées ».

Mais sa santé est fragile. « Maman » l'envoie en septembre 1737 consulter un professeur de Montpellier, le docteur Fizes, sur son polype au cœur. C'est au cours de ce voyage qu'il fait la connaissance de Madame de Larnage, âgée de vingt ans de plus que lui, mère de dix enfants, sa vraie initiatrice à l'amour physique.

De retour à Chambéry, il a la surprise de trouver auprès de Madame de Warens un nouveau converti et amant, Jean Samuel Rodolphe Wintzenried, et le ménage à trois reprend. En 1739, il écrit son premier recueil de poèmes, Le Verger de Madame la baronne de Warens, poésie grandiloquente éditée en 1739 à Lyon ou Grenoble. 

Rousseau entre dans l'orbite de deux figures importantes des Lumières, Condillac et D'Alembert lorsqu'en 1740, il trouve un emploi de précepteur auprès des deux fils du prévôt général de Lyon, M. de Mably. Ce dernier est le frère aîné deGabriel Bonnot de Mably et d'Etienne Bonnot de Cadillac qui feront tous deux une carrière littéraire. Rousseau compose pour le plus jeune des deux fils un Mémoire présenté à M. de Mably sur l'éducation de Monsieur son fils. Ayant ainsi l'occasion de fréquenter la bonne société lyonnaise, il s'y gagne quelques amitiés, notamment celle de Charles Borde qui l'introduira dans la capitale. Chambéry est proche et il peut rendre quelques visites à « Maman », mais les liens sont distendus. Après une année difficile auprès de ses jeunes élèves, Rousseau s'accorde avec M. de Mably pour mettre fin au contrat. Après quelque temps de réflexion, il décide alors de tenter sa chance à Paris.  


En 1743, il s'installe à l'hôtel St-Quentin, rue des Cordiers où il se met en ménage avec une jeune lingère,Marie-Thérèse Le Vasseur en 1745. Cette dernière lui apporte l'affection qui lui manque. Il l'épouse civilement à Bourgoin-Jallieu le . Jean-Jacques doit alors supporter non seulement une femme bavarde mais aussi la famille de celle-ci.

Entre 1747 et 1751 naîtront cinq enfants que Jean-Jacques Rousseau, peut-être sur l'insistance de la mère de Marie-Thérèse, fait placer aux Enfants-Trouvés, l'assistance publique de l'époque. Il explique d'abord qu'il n'a pas les moyens d'entretenir une famille, puis au livre 8 des Confessions, il écrit qu'il a livré ses enfants à l'éducation publique en considérant cela comme un acte de citoyen, de père, et d'admirateur de République idéale  de Platon. Au livre suivant des Confessions, il écrit également qu'il fit ce choix principalement pour soustraire ses enfants à l'emprise de sa belle-famille, qu'il jugeait néfaste.

Cette décision lui sera reprochée plus tard par Voltaire, alors qu'il se pose en pédagogue dans son livre Émile, et aussi par ceux qu'il appelle la « coterie holbachique » (l'entourage de D'Holbach, Grimm, Diderot, etc.). Cependant, certains de ses amis, dont Madame d'Epinay avant qu'elle se brouille avec lui, avaient proposé d'adopter ces enfants. 

Dans  Les Confessions, Rousseau soutient qu'il a écrit ce roman pour satisfaire dans la fiction un irrépressible désir d'aimer qu'il n'a pas pu satisfaire dans la réalité. D'une certaine façon, ce roman a une valeur consolatrice. Il écrit aussi ce roman parce qu'il pense qu'une œuvre romanesque permettra à ses idées de toucher un public plus large et plus vaste. Par ailleurs, il estime qu'à la différence du théâtre, l'œuvre romanesque est susceptible de rendre la vertu aimable à tous car elle met en scène des personnes ordinaires. 





« Il appliqua sur sa main un baiser »
 J.J. Rousseau







La trame du roman se présente ainsi. Saint-Preux, un précepteur, tombe amoureux de son élève Julie d'Etange. L'amour est réciproque mais les contraintes financières et sociales s'opposent à ce mariage. Saint-Preux est pauvre. Aussi, Julie épouse Monsieur de Wolmar un brave homme riche et athée, de trente ans son aîné. Dans ce roman, Rousseau introduit une séparation entre mariage et amour. Il estime en effet que bien que M. et Mme de Wolmar ne soient pas amoureux, ils doivent rester unis. Il écrit à ce propos : « chaque fois que deux époux s'unissent par un nœud solennel, il intervient un nœud tacite de tout le genre humain de respecter ce lien sacré, d'honorer en eux l'union conjugale ». Alors que chez Léon Tolstoi, grand admirateur de Rousseau, Anna Karénine meurt en s'abandonnant à sa passion et en quittant son mari, les époux Wolmar restent ensemble. Ils fondent la communauté de Clarens où règnent douceur et modération. Malgré tout, à la fin, Julie avoue s'être un peu ennuyée pendant son mariage et ne pas avoir oublié Saint-Preux. Le roman a eu un succès considérable.

Les Charmettes en 1830.






L'épisode de la fessée, extrait du livre premier de Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau, se déroule après son enfance et surtout après le départ de son père qui l’a envoyé à Bossey. Roussseau vécut ici des jours plutôt heureux mais lors de la fessée, il fait un aveu honteux. Jean-Jacques Rousseau a été fessé et au moment où il l’a reçue il a éprouvé un certain plaisir. Il va se créer alors une rupture avec son enfance : « être traité par elle en grand garçon ». Ceci a une influence sur son comportement futur.

Qui croirait que ce châtiment d'enfant, reçu à huit ans par la main d'une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s'ensuivre naturellement ? En même temps que mes sens furent allumés, mes désirs prirent si bien le change, que, bornés à ce que j'avais éprouvé, ils ne s'avisèrent point de chercher autre chose. Avec un sang brûlant de sensualité presque dès ma naissance, je me conservai pur de toute souillure jusqu'à l'âge où les tempéraments les plus froids et les plus tardifs se développent. Tourmenté longtemps sans savoir de quoi, je dévorais d'un œil ardent les belles personnes ; mon imagination me les rappelait sans cesse, uniquement pour les mettre en œuvre à ma mode, et en faire autant de demoiselles Lambercier.

  " Même après l'âge nubile, ce goût bizarre, toujours persistant et porté jusqu'à la dépravation, jusqu'à la folie, m'a conservé les mœurs honnêtes qu'il semblerait avoir dû m'ôter. Si jamais éducation fut modeste et chaste, c'est assurément celle que j'ai reçue. Mes trois tantes n'étaient pas seulement des personnes d'une sagesse exemplaire, mais d'une réserve que depuis longtemps les femmes ne connaissent plus. Mon père, homme de plaisir, mais galant à la vieille mode, n'a jamais tenu, près des femmes qu'il aimait le plus, des propos dont une vierge eût pu rougir ; et jamais on n'a poussé plus loin que dans ma famille et devant moi le respect qu'on doit aux enfants. Je ne trouvai pas moins d'attention chez M. Lambercier sur le même article ; et une fort bonne servante y fut mise à la porte pour un mot un peu gaillard qu'elle avait prononcé devant nous. Non seulement je n'eus jusqu'à mon adolescence aucune idée distincte de l'union des sexes, mais jamais cette idée confuse ne s'offrit à moi que sous une image odieuse et dégoûtante. J'avais pour les filles publiques une horreur qui ne s'est jamais effacée: je ne pouvais voir un débauché sans dédain, sans effroi même ; car mon aversion pour la débauche allait jusque-là, depuis qu'allant un jour au petit Sacconex par un chemin creux, je vis, des deux côtés, des cavités dans la terre, où l'on me dit que ces gens-là faisaient leurs accouplements. Ce que j'avais vu de ceux des chiennes me revenait aussi toujours à l'esprit en pensant aux autres, et le cœur me soulevait à ce seul souvenir."

extrait des Confessions de Jean-Jacques Rousseau - Episode de la fessée 

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