THÉODORE AGRIPPA D'AUBIGNÉ ET LA PLUS GRANDE CONTROVERSE DE L'HISTOIRE DE FRANCE
Combattu des vents et des flots
Théodore Agrippa d'Aubigné
IV
Combattu des vents et des flots,
Voyant tous les jours ma mort preste
Et abayé d’une tempeste
D’ennemis, d’aguets, de complots,
Me resveillant à tous propos,
Mes pistolles dessoubs ma teste,
L’amour me fait faire le poete,
Et les vers cerchent le repos.
Pardonne moy, chere Maistresse,
Si mes vers sentent la destresse,
Le soldat, la peine et l’esmoy :
Car depuis qu’en aimant je souffre,
II faut qu’ils sentent comme moy
La poudre, la mesche, et le souffre.
Théodore Agrippa d’Aubigné, Hécatombe à Diane, 1874
Combattu des vents et des flots,
Voyant tous les jours ma mort preste
Et abayé d’une tempeste
D’ennemis, d’aguets, de complots,
Me resveillant à tous propos,
Mes pistolles dessoubs ma teste,
L’amour me fait faire le poete,
Et les vers cerchent le repos.
Pardonne moy, chere Maistresse,
Si mes vers sentent la destresse,
Le soldat, la peine et l’esmoy :
Car depuis qu’en aimant je souffre,
II faut qu’ils sentent comme moy
La poudre, la mesche, et le souffre.
Théodore Agrippa d’Aubigné, Hécatombe à Diane, 1874
Son fils Constant d’Aubigné abjure le protestantisme en 1618 et mène une vie de débauche, dans son château de Maillezais avant de tuer sa première femme, surprise en flagrant délit d’adultère, puis de se remarier pour donner naissance à Françoise d’Aubigné, qui devient la Marquise de Maintenon et la maîtresse puis l’épouse du roi de France Louis XIV.
Envoyé à Genève en 1565, Agrippa d’Aubigné y poursuivit ses études sous la direction de Théodore de Bèze. Lorsque éclata la deuxième guerre de religion (1567-68), il s’engagea sans hésiter dans l’armée protestante. Après une courte paix en 1568, les hostilités reprirent de plus belle. D’Aubigné participant aux batailles, comme aux pourparlers de paix, il était, à la suite d’un duel, absent de Paris durant les massacres de 1572 mais il en garda une rancune tenace à la monarchie. « Les Tragiques » conservent la trace des visions d’horreur dont il fut le témoin
.
C’est à cette époque qu’il se lie avec le jeune roi de Navarre, qui le nomma son écuyer au mois d’août 1573. Le futur Henri IV était, après la Saint-Barthélémy, étroitement surveillé à la Cour de France. On ignore si, comme lui, d’Aubigné a feint de se convertir au catholicisme. Il fit en tout cas partie des compagnons du roi de Navarre lors de son évasion, le 4 février 1576. Cette amitié entre le roi et le poète dura plusieurs années ; Henri IV le nomma ainsi maréchal de camp en 1586, puis gouverneur d’Oléron et de Maillezais, que d’Aubigné avait conquis par les armes en 1589 ; puis vice-amiral de Guyenne et de Bretagne. Mais les divergences politiques et religieuses finissent par séparer les deux hommes, qui ne se doutaient pas que leurs petits-enfants respectifs, Louis XIV et Françoise d’Aubigné, se marieraient en 1683.
En 1577, d’Aubigné est grièvement blessé à Casteljaloux. Selon la légende qu’il a lui-même forgée bien plus tard, c’est là, entre la vie et la mort, que lui seraient venues les premières « clauses » de son grand poème épique sur les guerres de religion, « Les Tragiques ». Suite à cette blessure, il se retire aux Landes-Guinemer, dans le Blaisois, entre Suèvres et Mer, et épouse Suzanne de Lezay en 1583. Il a un fils d’elle, Constant, père de Françoise d’Aubigné, la future marquise de Maintenon, et deux filles, Louise Arthémise de Villette (1584-1663) et Marie de Caumont d’Adde (1586-1624). Constant lui causa l’une des plus grandes déceptions de sa vie en se convertissant au catholicisme ; il le déshérita, plongeant du même coup sa belle-fille et ses petits-enfants dans la misère. Après la mort de son épouse en 1596, d’Aubigné eut un fils naturel avec Jacqueline Chayer, Nathan d’Aubigné, ancêtre de la famille suisse des Merle d’Aubigné.
Après l’assassinat du duc de Guise en 1588, d’Aubigné reprit part aux combats politiques et militaires de son temps. Il est alors le représentant de la tendance dure du parti protestant (« les Fermes ») et voit d’un mauvais œil les concessions faites par le chef de son parti pour accéder au trône. Comme de nombreux protestants, d’Aubigné ressent l’abjuration d’Henri IV, en 1593, comme une trahison, d’autant plus qu’il était l’un de ceux qui s’étaient le plus battus pour amener Henri au trône. Il est peu à peu écarté de la cour, dont il se retira définitivement après l’assassinat d’Henri IV en 1610.
Refusant tout compromis, d’Aubigné est contraint de quitter la France en 1620, après la condamnation de son « Histoire universelle depuis 1550 jusqu’en 1601″ par le Parlement. D’Aubigné se retira alors à Genève, où est publié l’essentiel de ses œuvres. Il y épouse en 1623 Renée Burlamacchi, petite-fille du Lucquois Francesco Burlamacchi, et meurt le 9 mai 1630.
A l’éclair violent de ta face divine
A l’éclair violent de ta face divine,
N’étant qu’homme mortel, ta céleste beauté
Me fit goûter la mort, la mort et la ruine
Pour de nouveau venir à l’immortalité.
Ton feu divin brûla mon essence mortelle,
Ton céleste m’éprit et me ravit aux Cieux,
Ton âme était divine et la mienne fut telle :
Déesse, tu me mis au rang des autres dieux.
Ma bouche osa toucher la bouche cramoisie
Pour cueillir, sans la mort, l’immortelle beauté,
J’ai vécu de nectar, j’ai sucé l’ambroisie,
Savourant le plus doux de la divinité.
Aux yeux des Dieux jaloux, remplis de frénésie,
J’ai des autels fumants comme les autres dieux,
Et pour moi, Dieu secret, rougit la jalousie
Quand mon astre inconnu a déguisé les Cieux.
Même un Dieu contrefait, refusé de la bouche,
Venge à coups de marteaux son impuissant courroux,
Tandis que j’ai cueilli le baiser et la couche
Et le cinquième fruit du nectar le plus doux.
Ces humains aveuglés envieux me font guerre,
Dressant contre le ciel l’échelle, ils ont monté,
Mais de mon paradis je méprise leur terre
Et le ciel ne m’est rien au prix de ta beauté.
Théodore Agrippa d’Aubigné, Stances
Tristan et Yseult buvant le philtre
d'après John Ducan
Accourez au secours à ma mort violente
Accourez au secours à ma mort violente,
Amans, nochers experts en la peine où je suis,
Vous qui avez suivi la route que je suis
Et d’amour esprouvé les flots et la tourmente.
Le pilote qui voit une nef perissante,
En l’amoureuse mer remarquant les ennuis
Qu’autrefois il risqua, tremble et luy est advis
Que d’une telle fin il ne pert que l’attente.
Ne venez point ici en espoir de pillage ;
Vous ne pouvez tirer profit de mon naufrage :
Je n’ay que des souspirs, de l’espoir, et des pleurs.
Pour avoir mes souspirs les vents lèvent les armes,
Pour l’air font mes espoirs volagers et menteurs,
La mer me fait perir pour s’enfler de mes larmes.
Théodore Agrippa d’Aubigné, Hécatombe à Diane, 1874
Amour qui n’est qu’amour
Stance XXI.
Amour qui n’est qu’amour, qui vit sans espérance,
On dit qu’amour est feu, le feu est de deux sortes :
Le premier s’asservit sous les lois de la nature,
L’homme par la raison tient, augmente et possède
Je veux du feu terrestre et de l’élémentaire
Amants qui abaissez votre amour de la vue,
Si votre oeil fasciné un coup se défascine,
Mais ceux qui sont épris des plus célestes flammes
Un peu d’eau fait mourir une flamme commune.
Ah ! que le feu terrestre a sur soi de nuages !
Pour cause, en mon amour j’aime pour ce que j’aime,
Si on dit votre amour est simple et stérile,
Belle divinité qui mon âme a ravie
Mais ne puis-je espérer de mes beaux feux estaindre ?
Je vois de mon beau ciel les espérances vaines
Je ne désire rien, que faut-il que j’espère ?
L’élément en hauteur surpasse toute flamme,
Combattu des vents et des flots,
Me resveillant à tous propos,
Pardonne moy, chere Maistresse,
Car depuis qu’en aimant je souffre,
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