DENIS DIDEROT RENCONTRE MADELEINE DE PUISIEUX puis SOPHIE VOLLAND.
Né à Langres et fils d'un maître coutelier, Denis Diderot suit ses études chez les Jésuites, puis au lycée Louis-Le-Grand et
devient maître ès Art en 1732. Il mène jusqu'à son mariage, en 1743, une
vie de bohême qui lui fait perdre la foi. Pendant cette période, il
fait la connaissance de Jean-Jacques Rousseau. Une forte amitié naît entre les deux hommes
Entre 1740 et 1746, Diderot déménage fréquemment sans jamais s'éloigner du quartier latin.. En 1740 on le trouve rue de l'Observatoire puis rue du Vieux-Colombier et rue des Deux-Ponts.
En 1742, il effectue un premier retour à Langres pour solliciter auprès de son père le droit de se marier. Il essuie un refus. Au début de l'année1743, s'opposant au mariage qu'il projette malgré son refus et sans doute fatigué des frasques de son fils, son père le fait enfermer quelques semaines dans un monastère près de Troyes. Denis s'en échappe et ayant atteint sa majorité matrimoniale (30 ans à l'époque) en octobre, épouse secrètement en novembre 1743 Anne-Antoinette Champion (1710-10 avril . Le jeune couple s'installe rue Saint-Victor (1743).
La clandestinité du mariage peut laisser penser à un mariage d'amour, mais cette union ne sera pas heureuse longtemps. Diderot oublie rapidement son épouse très éloignée sans doute de ses considérations littéraires ; sa première liaison connue, avec Madeleine de Puisieux est attestée en 1745.
Dans ses "Pensées Philosophiques" (1746), Diderot plaide pour une religion naturelle. Se montrant trop libéral par rapport à la religion et aux "mystères", il est condamné par l'Église. En 1747, il est chargé par le libraire Le Breton de diriger avec d'Alembert les travaux de l'Encyclopédie.
Sa liaison avec Mme de Puisieux semble avoir pris fin peu après, sinon même pendant sa captivité à Vincennes où il put s'assurer de ses propres yeux qu'elle le trompait avec un autre amant.
La "Lettre sur les aveugles et à l'usage de ceux qui voient" (1749) provoque son incarcération au château de Vincennes pendant trois mois. Pour Denis Diderot, le seul critère auquel répond la connaissance est l'expérience. Il défend l'idée qu'il n'y a qu'une seule substance, la matière, et que le processus de passage du minéral à la vie est continu. Cette théorie peut être considérée comme une intuition du transformisme de Lamarck.
Cette période de travail intense, avec ses charges, ses menaces, ses satisfactions et ses déceptions est également marquée par quelques événements privés importants.
En 1750, il est nommé à l'Académie de Berlin. Et en 1753 naît Marie-Angélique, seul de ses enfants qui lui survivra.
Les finances s'améliorent, et, en 1754, la famille Diderot s'installe aux 4e et 5e étages d'un logis de la rue Taranne et n'en bougera plus.
En 1755 il rencontre Sophie Volland, peut-être par l'intermédiaire de Rousseau. Cette liaison, clandestine, qui se prolongera jusqu'à la mort de celle-ci, est à l'origine d'une abondante correspondance qui apparaît aujourd'hui comme essentielle pour la connaissance de l'écrivain.
Sophie Volland s’appelait en réalité Louise-Henriette, mais en mesurant rapidement ses dons, Diderot, admiratif et amoureux, lui donna le prénom de « Sophie » soit, en grec, « sagesse ». C'est au printemps 1755 qu'âgée de 39 ans elle rencontra le philosophe, de trois ans son ainé. Elle fut l’amie, la maîtresse et la correspondante privilégiée de Denis Diderot de 1755 à 1769 qui aimait sa personne et estimait son esprit comme son jugement.
Sophie était cultivée ainsi que bien et régulièrement informée par Diderot sur les évènements, les artistes et auteurs de son époque.
Elle était pour le philosophe une confidente à laquelle il pouvait parler en détail de son travail, de ses rencontres et aussi des inquiétudes de sa vie privée ; par la confiance qui les liait, il pouvait aussi éventuellement lui demander conseil, voire consolation. Célibataire, elle avait une relation difficile avec une mère très égoïste qu'elle devait suivre à peu près six mois par an à Isle, alors qu’elle aurait préféré vivre à Paris. D'où des séparations régulières et douloureuses. Les très nombreuses lettres de Diderot à Sophie donnent des indications sur sa vie, ses informations et ses réflexions sur la vie politique, artistique (ses critiques d'art) et intellectuelle de son temps. Elles sont considérées comme une partie importante de son œuvre. On en connaît seulement 187 sur un total de 553 ; toutes étaient numérotées pour vérifier qu'elles avaient bien été reçues, malgré les aléas des circuits mis au point par eux.
Les lettres de Sophie n’ont pas été retrouvées. Aucun portrait de Sophie n’est parvenu jusqu’à nous alors que Diderot en possédait deux, dont un peint par Anne Vallayer-Coster, qu’il avait fait enchâsser dans la reliure d’un volume du poète latin Horace. Les seuls détails concrets que l’on connaisse de Sophie sont qu’elle portait lunettes, qu’elle était de constitution fragile, avait « la menotte sèche » mais était douée d’un esprit solide, occupé de science et de philosophie, ce qui comblait l’amant d’admiration. Diderot ne lui a survécu que cinq mois.
Dès 1761, Diderot pense à vendre sa bibliothèque pour doter correctement sa fille − qui n'a alors que 8 ans. Catherine II intervient et achète le bien. Non seulement elle l'achète « en viager » pour permettre au philosophe d'en garder l'usage jusqu'à sa mort mais en plus elle le nomme bibliothécaire de ce fond et le rétribue en tant que tel. À la suite d'un retard de paiement, l'impératrice lui paye même 50 années d'avance. Cette vente et ces largesses permettront au philosophe de mettre sa fille et ses vieux jours à l'abri du besoin, mais aura un impact important sur la réception de son œuvre.
Au printemps 1769, Diderot devient l’amant de Jeanne-Catherine Quinault (dite madame de Maux, du nom de son mari).Les divergences avec Rousseau s'affirment depuis quelques années déjà, la dispute s'amplifie jusqu'à la rupture totale en 1770. Rousseau considère dès lors Diderot comme un ennemi. L'un et l'autre alimenteront une grande amertume de cette rupture.
Depuis plus de 10 ans, Diderot était invité par Catherine II dont les largesses imposaient la reconnaissance. Peu enclin aux mondanités et d'un caractère casanier, ses obligations éditoriales et familiales incitaient Diderot à reporter le déplacement. Ce n'est qu'en 1773, après avoir terminé l'Encyclopédie et conclu le mariage de sa fille qu'il entreprit enfin ce voyage.
Diderot effectue ainsi l'unique voyage hors de France de sa vie du11 juin 1773 au . Ce voyage sera marqué d'un séjour à Saint-Petersbourg, de ses entretiens avec Catherine II et deux longs séjours à La Haye, dans les Provinces-Unies de l'époque. Dès son retour, il ralentit progressivement sa vie sociale, sa santé se dégrade et il l'accepte mal. Il meurt le 31 juillet 1784 à Paris d'un accident vasculaire après avoir multiplié pendant les dix dernières années de sa vie des séjours à Sèvres chez son ami le joallier Etienne-Benjamin Belle.
A travers l’examen d’une correspondance désormais bien connue, la capacité de Sophie Volland, par sa personnalité singulière, à inspirer l’amant-philosophe Diderot au point de s’engager dans une relation épistolaire durable fondée sur un pacte fixant la périodicité et contenu de l’échange. La personnalité de Sophie, dotée d’une grande fidélité amoureuse, pétrie de culture et d’une certaine « sagesse » parvenue à maturité, de plus dotée de tendances androgynes, incarne vite cet alter ego rêvé par le philosophe, adepte d’une amitié « totale ».
Il faut tout d’abord évoquer la naissance (peu avant 1759) puis les aléas de cette longue correspondance qui attacha Denis Diderot à Sophie Volland pendant plus de vingt ans, longévité à l’origine d’un mythe qui place les deux épistoliers au panthéon des grands amants de la littérature. Mais il faut invoquer aussi le caractère très volontariste de cette fidélité, qui repose en grande partie sur l’insistance de l’un d’entre eux, Denis, à faire respecter par le couple un véritable pacte épistolaire.
Entre 1740 et 1746, Diderot déménage fréquemment sans jamais s'éloigner du quartier latin.. En 1740 on le trouve rue de l'Observatoire puis rue du Vieux-Colombier et rue des Deux-Ponts.
En 1742, il effectue un premier retour à Langres pour solliciter auprès de son père le droit de se marier. Il essuie un refus. Au début de l'année1743, s'opposant au mariage qu'il projette malgré son refus et sans doute fatigué des frasques de son fils, son père le fait enfermer quelques semaines dans un monastère près de Troyes. Denis s'en échappe et ayant atteint sa majorité matrimoniale (30 ans à l'époque) en octobre, épouse secrètement en novembre 1743 Anne-Antoinette Champion (1710-10 avril . Le jeune couple s'installe rue Saint-Victor (1743).
La clandestinité du mariage peut laisser penser à un mariage d'amour, mais cette union ne sera pas heureuse longtemps. Diderot oublie rapidement son épouse très éloignée sans doute de ses considérations littéraires ; sa première liaison connue, avec Madeleine de Puisieux est attestée en 1745.
Dans ses "Pensées Philosophiques" (1746), Diderot plaide pour une religion naturelle. Se montrant trop libéral par rapport à la religion et aux "mystères", il est condamné par l'Église. En 1747, il est chargé par le libraire Le Breton de diriger avec d'Alembert les travaux de l'Encyclopédie.
Sa liaison avec Mme de Puisieux semble avoir pris fin peu après, sinon même pendant sa captivité à Vincennes où il put s'assurer de ses propres yeux qu'elle le trompait avec un autre amant.
La "Lettre sur les aveugles et à l'usage de ceux qui voient" (1749) provoque son incarcération au château de Vincennes pendant trois mois. Pour Denis Diderot, le seul critère auquel répond la connaissance est l'expérience. Il défend l'idée qu'il n'y a qu'une seule substance, la matière, et que le processus de passage du minéral à la vie est continu. Cette théorie peut être considérée comme une intuition du transformisme de Lamarck.
Cette période de travail intense, avec ses charges, ses menaces, ses satisfactions et ses déceptions est également marquée par quelques événements privés importants.
En 1750, il est nommé à l'Académie de Berlin. Et en 1753 naît Marie-Angélique, seul de ses enfants qui lui survivra.
Les finances s'améliorent, et, en 1754, la famille Diderot s'installe aux 4e et 5e étages d'un logis de la rue Taranne et n'en bougera plus.
En 1755 il rencontre Sophie Volland, peut-être par l'intermédiaire de Rousseau. Cette liaison, clandestine, qui se prolongera jusqu'à la mort de celle-ci, est à l'origine d'une abondante correspondance qui apparaît aujourd'hui comme essentielle pour la connaissance de l'écrivain.
Sophie Volland s’appelait en réalité Louise-Henriette, mais en mesurant rapidement ses dons, Diderot, admiratif et amoureux, lui donna le prénom de « Sophie » soit, en grec, « sagesse ». C'est au printemps 1755 qu'âgée de 39 ans elle rencontra le philosophe, de trois ans son ainé. Elle fut l’amie, la maîtresse et la correspondante privilégiée de Denis Diderot de 1755 à 1769 qui aimait sa personne et estimait son esprit comme son jugement.
Sophie était cultivée ainsi que bien et régulièrement informée par Diderot sur les évènements, les artistes et auteurs de son époque.
Elle était pour le philosophe une confidente à laquelle il pouvait parler en détail de son travail, de ses rencontres et aussi des inquiétudes de sa vie privée ; par la confiance qui les liait, il pouvait aussi éventuellement lui demander conseil, voire consolation. Célibataire, elle avait une relation difficile avec une mère très égoïste qu'elle devait suivre à peu près six mois par an à Isle, alors qu’elle aurait préféré vivre à Paris. D'où des séparations régulières et douloureuses. Les très nombreuses lettres de Diderot à Sophie donnent des indications sur sa vie, ses informations et ses réflexions sur la vie politique, artistique (ses critiques d'art) et intellectuelle de son temps. Elles sont considérées comme une partie importante de son œuvre. On en connaît seulement 187 sur un total de 553 ; toutes étaient numérotées pour vérifier qu'elles avaient bien été reçues, malgré les aléas des circuits mis au point par eux.
Les lettres de Sophie n’ont pas été retrouvées. Aucun portrait de Sophie n’est parvenu jusqu’à nous alors que Diderot en possédait deux, dont un peint par Anne Vallayer-Coster, qu’il avait fait enchâsser dans la reliure d’un volume du poète latin Horace. Les seuls détails concrets que l’on connaisse de Sophie sont qu’elle portait lunettes, qu’elle était de constitution fragile, avait « la menotte sèche » mais était douée d’un esprit solide, occupé de science et de philosophie, ce qui comblait l’amant d’admiration. Diderot ne lui a survécu que cinq mois.
Dès 1761, Diderot pense à vendre sa bibliothèque pour doter correctement sa fille − qui n'a alors que 8 ans. Catherine II intervient et achète le bien. Non seulement elle l'achète « en viager » pour permettre au philosophe d'en garder l'usage jusqu'à sa mort mais en plus elle le nomme bibliothécaire de ce fond et le rétribue en tant que tel. À la suite d'un retard de paiement, l'impératrice lui paye même 50 années d'avance. Cette vente et ces largesses permettront au philosophe de mettre sa fille et ses vieux jours à l'abri du besoin, mais aura un impact important sur la réception de son œuvre.
Au printemps 1769, Diderot devient l’amant de Jeanne-Catherine Quinault (dite madame de Maux, du nom de son mari).Les divergences avec Rousseau s'affirment depuis quelques années déjà, la dispute s'amplifie jusqu'à la rupture totale en 1770. Rousseau considère dès lors Diderot comme un ennemi. L'un et l'autre alimenteront une grande amertume de cette rupture.
Depuis plus de 10 ans, Diderot était invité par Catherine II dont les largesses imposaient la reconnaissance. Peu enclin aux mondanités et d'un caractère casanier, ses obligations éditoriales et familiales incitaient Diderot à reporter le déplacement. Ce n'est qu'en 1773, après avoir terminé l'Encyclopédie et conclu le mariage de sa fille qu'il entreprit enfin ce voyage.
Diderot effectue ainsi l'unique voyage hors de France de sa vie du11 juin 1773 au . Ce voyage sera marqué d'un séjour à Saint-Petersbourg, de ses entretiens avec Catherine II et deux longs séjours à La Haye, dans les Provinces-Unies de l'époque. Dès son retour, il ralentit progressivement sa vie sociale, sa santé se dégrade et il l'accepte mal. Il meurt le 31 juillet 1784 à Paris d'un accident vasculaire après avoir multiplié pendant les dix dernières années de sa vie des séjours à Sèvres chez son ami le joallier Etienne-Benjamin Belle.
Portrait de Denis Diderot par Louis-Michel Van Loo. |
A travers l’examen d’une correspondance désormais bien connue, la capacité de Sophie Volland, par sa personnalité singulière, à inspirer l’amant-philosophe Diderot au point de s’engager dans une relation épistolaire durable fondée sur un pacte fixant la périodicité et contenu de l’échange. La personnalité de Sophie, dotée d’une grande fidélité amoureuse, pétrie de culture et d’une certaine « sagesse » parvenue à maturité, de plus dotée de tendances androgynes, incarne vite cet alter ego rêvé par le philosophe, adepte d’une amitié « totale ».
Il faut tout d’abord évoquer la naissance (peu avant 1759) puis les aléas de cette longue correspondance qui attacha Denis Diderot à Sophie Volland pendant plus de vingt ans, longévité à l’origine d’un mythe qui place les deux épistoliers au panthéon des grands amants de la littérature. Mais il faut invoquer aussi le caractère très volontariste de cette fidélité, qui repose en grande partie sur l’insistance de l’un d’entre eux, Denis, à faire respecter par le couple un véritable pacte épistolaire.
Extraits de lettres à Sophie Volland : source BNF.Gallica
"J’ai joui de tous les plaisirs que vous me peignez (A Isle, le 23 août 1759, BAB. I, 85)".
"Jamais
passion ne fut plus justifiée par la raison que la mienne. N’est-il pas
vrai, ma Sophie, que vous êtes bien aimable ? Regardez au-dedans de
vous-même. Voyez-vous bien, voyez combien vous êtes digne d’être aimée,
et connoissez combien je vous aime". (Paris, le 23 juillet 1759, BAB. I,
49).
"Combien je redouterois le vice quand je n’aurois pour juge que ma
Sophie ! J’ai élevé dans son cœur une statue que je ne voudrois jamais
briser. Quelle douleur pour elle si je me rendois coupable d’une action
qui m’avilît à ses yeux ! "(Samedi matin, Paris, 4 juin 1759, BAB. I,
42).
"Toujours, mon amie, toujours vous me serez chère ; faites seulement que ce toujours dure
longtemps. Je l’ai enfin, ce portrait, enfermé dans l’auteur de
l’antiquité le plus sensé et le plus délicat : mercredi je le baiserai
le matin en me levant, et le soir en me couchant je le baiserai encore".
(Dimanche, Paris, le 22 aoust 1762, BAB. II, 134).
« Vous êtes à peu près contente de mes lettres, surtout des endroits où
je vous dis que je vous aime ; tant mieux, je ne m’interresse [sic] qu’à
ceux-ci ; et comment seroient-ils mal ? Le modèle d’après lequel je
peins est si bien ! » (Paris, le 7 octobre 1760, BAB. I, 213).
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